Non ça ne sort pas de mon esprit malade mais en russe, ça veut dire « ongle » et Les Ongles, Mikhaïl Elizarov (bordel, ça c’est un nom), je vous en parle maintenant. Dix mille dollars à celui qui arrivera à prononcer le titre.
L’histoire est gentiment inracontable, mais je vais m’y essayer. Gloucester et Bakatov grandissent dans un orphelinat pour enfants handicapés de la Russie post-soviétique. Après des années d’humiliations et de brimades dans un lieu qu’ils ont cependant su investir de leur imaginaire, les deux jeunes gens sont lâchés dans le monde pour la vie active. Bakatov devient plombier, Gloucester pianiste virtuose, Les Ongles raconte leur parcours au pays du « démerdez-vous ».
J’ai tout de suite accroché au style. De scènes quotidiennes parfaitement atroces dans l’orphelinat, l’auteur fait de la poésie, à l’image de ses personnages. Et on en sort encore plus secoué. Je ne sais pas si l’histoire en soi aurait pu m’emporter sans cette écriture hybride, tour à tour lyrique, brutale, épurée… Mais voilà, du coup, ça fonctionne.
L’histoire, parlons-en. On est en plein dans le roman picaresque. Deux personnages, deux rebuts de la société, pourtant prêts à dévorer le monde vont se faire une place dans cette Russie étrange. Je les ai trouvé incroyablement touchants et j’ai adoré que l’auteur leur confère une sorte d’aura magique. Gloucester, le virtuose, sait que la musique lui vient instinctivement, juste là, depuis cette bosse qui lui a valu tant de moqueries autrefois. Bakatov, quant à lui, possède l’étrange pouvoir de lire l’avenir dans les rognures d’ongles. Tout au long du récit, on oscille toujours entre grotesque et poésie et c’est vraiment ce qui fait l’essence du bouquin je trouve.
Vers la fin, le récit s’opacifie et on ne sait plus vraiment où on en est, j’avoue ne pas avoir tout capté, mais ça n’a pas tellement joué sur mon impression une fois le bouquin refermé. Brefons, encore une très belle découverte de la rentrée littéraire. Je préviens tout de même, c’est pas tout public, mais je conseille à tous ceux qui auraient envie de lire un truc un peu dingue et incroyablement bien écrit.
Mikhaïl Elizarov, Les Ongles, Serge Safran.
Je viens de le recevoir et comme j’ai lu deux avis contraires, j’ai hâte de le découvrir.
J’aimeJ’aime
Je serai curieuse d’avoir ton retour. Le bouquin est particulier, ça ne m’étonne pas qu’il suscite un tas d’avis différents. 😉
J’aimeJ’aime
J’avais complètement oublié de te prévenir. C’est en faisant un retour sur mes anciens mails que j’avais gardés et où j’ai les liens des romans à lire que j’ai retrouvé ta réponse suite à mon commentaire.
Lu et chroniqué depuis un temps certain…
http://uneribambelle.over-blog.org/2014/10/les-ongles-mikhail-elizarov.html
J’aimeJ’aime
Je crois qu’on partage le même sentiment par rapport à ce bouquin : un ton volontairement très détaché et absurde qui rend le récit encore plus touchant.
Merci pour ta chronique ! Le bouquin est assez confidentiel, c’est chouette d’avoir d’autres avis. ❤
J’aimeJ’aime