Vilain Guignol

J’ai tendance à me méfier des romans dits « feel-good » parce que les bons sentiments saupoudrés de niaiserie, c’est pas vraiment ma came. MAIS les histoires atypiques qui parviennent à éviter cet écueil tout en me collant le smile ont toute ma sympathie et plus si affinités. Cette semaine, j’ai lu le fameux Liseur du 6h27 de Jean-Paul Didierlaurent qui n’a pas dû vous échapper avec ses poissons en librairie.

En plus d’être affublé d’un patronyme garanti 100% jeux de mots, Guylain Vignolles vit dans un petit appartement insipide avec pour unique colocataire un poisson rouge nommé Rouget de Lisle et son travail ne consiste qu’à remplir une immense machine destructrice de livres. Alors, pour égayer un peu son quotidien, Guylain récupère les pages qui ont échappé à la broyeuse et tous les matins, il les lit à voix haute dans le RER de 6h27. Et puis, un beau jour, entre deux sièges inconfortables, il tombe sur une clé USB qui va tout changer.

Tout de suite, le roman nous plonge dans une atmosphère délicieusement absurde, à l’image du boulot mortel que subit notre héros amoureux de la lecture. Guylain aurait presque un côté Chaplin des Temps modernes, obligé de nourrir une immense machine avide de détruire toujours plus de livres, qu’on nous décrit comme un véritable monstre puant et dangereux. Confronté à un patron et un apprenti aussi ouverts d’esprit que des tranches de pain de mie, sa seule échappatoire est de sauver les quelques pages aléatoires régurgitées par la machine pour les lire aux passagers du 6h27. Malgré lui, Guylain offre une pause à ses compagnons de l’aube et grâce à ces bribes de grand classiques, de recettes de cuisine ou de littérature érotique, rencontre toute une galerie de personnages en mal de rêverie.

Cette ambiance surréaliste m’a beaucoup plue, d’autant qu’elle est servie par une écriture fluide et maligne. L’auteur nous livre de jolis moments, des rencontres, sans jamais se départir d’un certain second degré et même d’un humour noir franchement bienvenus. (Cf Jardins et potagers d’autrefois) Avec la découverte de la clé USB et des nouveaux textes inédits qu’elle recèle, le quotidien de Guylain bascule et la lecture gagne encore en rythme.

J’ai vraiment été séduite par ce court roman (un peu moins de 200 pages) qui oscille toujours entre la poésie et le graveleux, entre l’amertume et la tendresse. Je le conseille sans modération, dans le RER ou ailleurs…

 

Jean-Paul Didierlaurent, Le liseur du 6h27, Folio.

17 réflexions sur “Vilain Guignol

  1. Bien aimé aussi. Ainsi que le deuxième roman de l’auteur. Même si on ne m’enlèvera pas de l’idée que c’est inégal et que l’auteur a besoin d’un meilleur éditeur pour que son talent soit réellement mis en valeur 🙂

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