« There ain’t no grave can hold my body down »

Ce mois-ci, un roman très étrange est paru dans la collection Exofictions chez Actes Sud, La Contre-nature des choses de Tony Burgess. Je suis tombée sur le pitch par hasard, où il était question d’apocalypse zombie, de traitement des déchets et d’un duel sans merci… Vous connaissez mon inclination toute particulière pour la culture Z, et là pour le coup, j’ai pressenti le petit OVNI pas piqué des vers sur un cadavre en putréfaction. En fait, rien n’aurait vraiment pu me préparer à ça. Un grand merci aux éditions Actes Sud pour cette découverte !

Notre narrateur fait partie des survivants, ces pauvres âmes plus ou moins rongées par la maladie qui errent encore sur terre, en s’efforçant de ne pas trop lever la tête. Parce que là-haut, il y a l’Orbite… tout un flot de cadavres encore vaguement frétillants dont on n’a pas su quoi faire, sinon les envoyer dans la stratosphère. Quand on se penche un peu sur ce qui reste de la planète après l’apocalypse zombie, on se dirait presque que c’est un sort enviable. C’est ce que des maniaques comme Dixon essaient de faire croire aux désespérés qu’ils dépouillent et qu’ils massacrent avec leur consentement avant qu’ils ne soient catapultés pour le dernier grand voyage. Celui qui raconte, au bout du rouleau, décide de le traquer, en compagnie d’un gosse trouvé sur la route. Et tant pis si ça doit être sa dernière bonne action.

Petit avertissement n°1 : c’est un coup de coeur perso intersidéral.

Petit avertissement n°2 : ce n’est certainement pas un livre à mettre entre toutes les mains tant il est sombre, dérangeant, bizarre, gore, à la manière d’un James Ballard en pleine forme dans Crash!

Ceci étant dit, on peut y aller !

Entrer dans ce roman n’est pas chose aisée, on a un peu l’impression de mettre les deux pieds dans la vase au fond de l’eau. Il faut attendre un peu pour que ça s’éclaircisse, ou plutôt, je pense, pour qu’on s’acclimate à la prose si singulière de l’auteur. Mais une chose est certaine, il s’avère très tôt qu’on n’aura moins à faire à un roman sur une apocalypse zombie qu’à une histoire de déchéance ultime de l’humanité, sur le plan physique comme sur le plan moral.

Le contexte de cette étrange fin du monde nous est dévoilé à demi-mots, au fil des pages. Les hommes sont atteints d’un Syndrome qui s’apparente à une agonie plus ou moins rapide, et puis ils meurent… presque. Burgess se moque des codes, refourgue le dévoreur de chair humaine au placard. De l’humanité, il ne reste que des cadavres qui bougent encore un peu. De vagues déchets qu’il va falloir traiter. Puisqu’il serait malvenu, rapport à l’Holocauste, de les brûler dans de grands fours et qu’il est impossible de les enterrer comme ils remontent invariablement à la surface, un business florissant va alors voir le jour. L’entreprise Déchets & Co se propose simplement d’envoyer tous ce surplus envahissant dans l’espace. Après tout, c’est une fin honorable et paisible. Mais le temps passe et l’humanité s’abime. Et quand il ne reste presque plus rien, ce sont les charognards qui se taillent la part du lion.

Tony Burgess dresse un portrait cauchemardesque de l’espèce humaine condamnée, rongée par la maladie et prompte, dès les premiers signes de l’apocalypse, aux plus vils instincts. Le narrateur, déjà foutu lorsque s’ouvre le récit, incarne l’une des faces de cette humanité perdue. Amis hypocondriaques, passez votre chemin, je n’ai jamais vu quelqu’un évoquer la maladie et la psychose des symptômes qui s’agglutinent avec une telle précision crue. (Vous l’aurez compris, c’est l’une des choses que j’ai adorées mais..) L’autre face, c’est Dixon, le double maléfique et l’objet de sa quête. Un personnage qui profite du désespoir des survivants en leur faisant miroiter un avenir meilleur tout là-haut… et surtout un psychopathe qui ferait passer The Human centipede pour un Disney. (J’avais prévenu, c’est trash et c’est pas à mettre entre toutes les mains…)

C’est écrit comme pense un esprit à l’agonie, à l’arrache, avec de magnifiques fulgurances. Tony Burgess est écrivain et scénariste et a manifestement un sens viscéral de l’image qui marque, qui choque et qui hante. Il faut aussi lire entre les lignes et quand on pense avoir compris, cette fin kafkaïenne vient nous remettre une droite. Mais j’ai adoré cette vision terrifiante de fin du monde, où le fric et l’horreur trouvent leur chemin jusqu’au bout, où la maladie est partout dans les corps et dans les âmes sous un ciel qui menace de s’effondrer. Le pire étant qu’on peine difficilement à l’imaginer.

 

Tony Burgess, La Contre-nature des choses, Actes Sud

7 réflexions sur “« There ain’t no grave can hold my body down »

    • Alors très honnêtement, les zombies sont en marge dans cette histoire. Si le côté trash (autrement plus mis en avant) te rebute, ce n’est pas une lecture que je te conseille.

      Et je plussoie, je ne l’ai jamais vu, mais j’en ai entendu parler. Y a comme qui dirait une curiosité malsaine chez moi qui me pousse régulièrement à vouloir y jeter un oeil, mais c’est comme Cannibal Holocauste, je crois que je vais le regretter.. –‘

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  1. Je suis pareille, j’ai une curiosité plus que malsaine… je ne sais pas si je vais le lire, mais je le note en « wishlist » sur mon compte Livraddict ! On verra bien 🙂

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