Two Gray Cats

Il aura fallu attendre le #ReadingClassicsChallenge pour que je daigne enfin mettre le nez dans le livre de Truman Capote, De sang-froid, si bien vendu par le Charmant Petit Monstre l’année dernière. Est-ce que si je vous dit que je compte acquérir très vite toute la biblio, c’est vous donner un indice sur mon retour de lecture ?

Le 16 novembre 1959, dans leur maison du fin fond du Kansas, les quatre membres de la famille Clutter ont été sauvagement assassinés. Sans témoin sur place, on ignore qui a pu commettre le crime. Le fait divers plonge la petite bourgade sans histoire dans la terreur : et si le propriétaire agricole si respecté dans tout l’Etat et sa famille avaient été la victime d’un type du coin, un fou dangereux rongé par la jalousie ? La scène de crime ne révèle rien de cohérent… Pour le lecteur, le suspense quant à l’identité des criminels ne sera pas long. Truman Capote nous entraine aux côté de Dick et Perry, deux petits repris de justice en cavale depuis cette fameuse nuit, en quête d’un sens impossible à trouver.

Truman Capote s’est emparé d’un véritable fait-divers survenu en 1959, le quadruple homicide des Clutter perpétré par Dick Hickock et Perry Smith. Immédiatement fasciné par l’affaire, il a entrepris de rencontrer les habitants de la localité d’Holcomb où les faits se sont déroulés, les enquêteurs et les criminels eux-mêmes afin de restituer au mieux le récit complet de l’affaire dans un roman-vérité. Le résultat, c’est cet esprit si bien résumé dans l’entretien avec Tom Wolfe et Gay Talese dans le dernier numéro d’America à propos du Nouveau journalisme, la précision et l’exactitude du journalisme, avec le style et le panache d’un roman. Même les passages qui ont l’air inventés ne le sont pas, comme l’expliquent les deux vieux bonhommes new-yorkais gentiment réac mais carrément lookés, tant le travail sur le terrain est pointu.

Il m’a fallu un peu de temps, pourtant, pour entrer dans ce livre, la faute à une période de concentration proche du moins huit mille. Un conseil : lancez-vous dans de bonne dispositions dans cette lecture, vous n’en serez qu’emportés plus vite. Parce que le réalisme de Truman Capte opère dès les premières pages, avec la description de cette famille si respectée, de ce coin de Kansas où rien n’existe sinon la terre, de ce bled d’Holcomb plus-paumé-tu-meurs… On a beau connaitre d’avance le sort qui va être réservé aux personnages si bien brossés sous nos yeux, il n’empêche qu’on ressort de cette fameuse nuit un peu hébété. Il y aura un avant et un après. Et tandis que le très charismatique inspecteur Dewey s’empare de l’enquête et que tout le bled sombre dans la paranoïa, partagé entre l’envie de trouver vite le ou les responsables et la peur de découvrir le visage monstrueux d’un voisin, nous voilà déjà loin, auprès des deux types qui ont fait le coup…

Loin de découvrir deux génies du mal, on tombe sur Dick et Perry, deux petits truands qui rêvent de se faire une place au soleil, entre faux chèques et bagnoles volées. Et disséquant littéralement leur cavale, l’auteur va nous plonger au coeur même de ces deux âmes malades, qu’on peine à relier au massacre d’Holcomb. Le mobile est le véritable enjeu qui va nous tenir en haleine. La psychologie des personnages est poussée à l’extrême, là encore grâce au travail journalistique et au génie de la plume, et on oscille constamment entre empathie et terreur sourde quand il s’agit de ces deux-là.

Gardez-vous de connaitre les détails de l’issue de cette affaire, vous n’en apprécierez que plus votre lecture (enfin c’est mon avis de meuf qui pense que dire comment meurt Louis XIV à des gens qui matent la série Versailles c’est du spoil hein). Très honnêtement, j’en suis ressortie un peu sonnée, probablement parce que la violence est partout, et qu’aucun apaisement ne saurait être trouvé… C’est pas pour rien que cette histoire a hanté l’auteur jusqu’à la fin de sa vie, hein.

 

Truman Capote, De sang-froid, Folio

10 réflexions sur “Two Gray Cats

  1. *clapclapclap* Y a de la fierté de chaton, je te le cache pas ! Je plussoie qu’il faut le lire dans de bonnes conditions (genre si vous avez besoin d’un petit bouquin pour vous divertir tranquillou, ce n’est pas vraiment celui-là qu’il faut choisir), mais après quel bonheur ! Quel génie ! Coeur d’amour pour l’humanité de Capote !
    (Han ! Louis XIV meurt ???!!! NOOOOO) (j’déconne)

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    • C’est pour ça que je le relirai sûr, parce que je me suis quand même flinguée une bonne cinquantaine de pages comme ça…
      On est bien d’accord, ça donne envie de lire un tas de « true crimes » après ça. (J’avais bien bien kiffé L’adversaire de Carrère dans cette veine là, même si le bonhomme a le souci de se mettre un chouia trop en avant dans tous ses bouquins).

      Et oui il meurt. Et Clovis aussi. Et Jack Dawson. Sorry not sorry.

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  2. Enfin terminé pour moi aussi! 🤗
    Si j’ai egalement eu du mal à m’y mettre, j’ai profité de mon petit readathon pour le dévorer. C’est passionnant ! Tellement bien travaillé !

    Jusque ici je ne regrette vraiment pas de m’etre lancée dans le #Readingclassicschallenge 👌🏼

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