Les jours sans vent

Sonnez hautbois, résonnez le bal-musette, Rosy poste ! Et je vous jure que je lis à balle en plus, mais été oblige, ça musarde sec par ici et pour trouver le chemin de la plume/du clavier, faut parfois s’y reprendre à deux fois ! Aujourd’hui, on va causer d’un très joli roman sur la condition carcérale, et par la même prendre le contrepied total des lectures feelgood de vacances (z’inquiétez pas, j’ai aussi de quoi vous rassasier pour plus tard), à savoir Celle qui attend de Camille Zabka. Merci à l’autrice pour l’envoi de son roman !

Un simple délit routier peut tout faire basculer et c’est l’âpre découverte que va faire Alexandre, soudain incarcéré et séparé de sa femme et de leur petite fille de trois ans. Tandis que la vie suit tant que bien mal son cours pour Pénélope et Pamina en Allemagne, Alexandre est condamné à attendre une sortie « prochaine » à Fleury-Mérogis, à compter les jours qui ressemblent désormais à des années entre ces murs où règnent l’ennui, la promiscuité et la loi du plus fort…

La prison, c’est la violence, l’attente interminable et la privation de tous les droits les plus élémentaires, à commencer par la dignité pour celleux qui se trouvent derrière les barreaux, mais un calvaire et de la souffrance aussi pour celleux qui attendent à l’extérieur et à travers l’histoire d’Alexandre, inspirée d’une histoire vraie, Camille Zabka nous raconte le fil ténu mais puissant qui lie encore une famille éclatée par l’incarcération d’un père.

C’est une histoire qui commence par une réalité carcérale aussi banale que méconnue, à savoir qu’on peut se retrouver en prison suite à des délits routiers. Alexandre, patron d’une société de voituriers, se retrouve tout à coup catapulté dans un monde parallèle, celui de Fleury-Mérogis. Ses premières lettres à Pénélope et Pamina, ses premières réactions naïves témoignent de son ahurissement, que l’autrice communique directement à ses lecteurs. L’absence totale d’intimité, l’effacement de l’identité, la violence et le non-sens des journées qui s’écoulent de façon identique… Alexandre imagine qu’il n’aura pas à s’y faire, que sa sortie n’est qu’une affaire de jours…

Le style est direct, ultra réaliste, on sent que Camille Zabka connait bien la question carcérale et ça se sent dans sa façon de décrire les lieux, les procédures juridiques et administratives ainsi que la vie de la prison, à base de petites combines et de « faire avec » face à des situations souvent indignes. J’ai surtout trouvé que l’autrice avait beaucoup de talent pour évoquer le temps, anormalement distendu en prison, mais aussi dehors, pour une femme et sa fille qui doivent attendre les lettres et des nouvelles en dent de scie, au milieu d’une existence mise entre parenthèses.

« Un moins que rien, voilà ce qu’il est devenu. Un homme qu’on balade d’une cellule à l’autre. Un homme qu’on peut surprendre dans son sommeil ou sous la douche. Un homme dont on fouille les affaires et dont on lit le courrier. » 

Celle qui attend est aussi l’histoire très touchante d’un époux et d’un père qui lutte pour en rester un, qui à travers ses lettres veut par-dessus tout continuer à exister pour sa femme et sa fille. Dans la douleur ou la tendresse, la plume de Camille Zabka mêle toujours réalisme et poésie, à l’image du témoignage « Papa est au coin » que Pénélope et Alexandre lègueront un jour à leur petite fille à la peau couleur caramel.

 

Camille Zabka, Celle qui attend, L’Iconoclaste

2 réflexions sur “Les jours sans vent

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