Aujourd’hui, on va parler poitrine, boobs, eins, cette partie de notre anatomie souvent comparée à des fruits de différentes tailles, souvent décrite à grands renforts d’expressions chatoyantes et aussi bien venues que moi à un colloque sur la théorie des cordes et de la gravité quantique. J’ai lu (grâce à Babelio et aux éditions Anamosa que je remercie mille fois) l’essai de Camille Froidevaux-Metterie sobrement et très justement appelé Seins et j’ai envie d’en dire tout le bien que j’en ai pensé alors c’est parti et pas une minute à perdre et allez là.
Aliénation et libération, c’est là tout le paradoxe dont les seins font l’objet et c’est aussi le fil conducteur de la réflexion de l’autrice. Je placerais bien ici le mot « dichotomie » mais dans une démarche de non-utilisation des termes dont je ne maitrise pas vraiment la signification, je vais laisser tomber la flambasse et m’en tenir à tout ce qui est de l’ordre de la paradoxalité, paradoxance et tutti quanti.
Quand on s’intéresse un peu aux combats féministes, les seins, ça nous inspire tout un tas d’images : les fameux soutifs brulés (en fait y aurait pas eu de feu de lingerie, plutôt du simple jet à la poubelle de type tri sélectif militant), le moyen d’expression des femen, le port du soutien-gorge qui peu à peu tend à être remis en question… et en même temps, rien de bien fédérateur là-dedans. Ce qui est fou, tant les seins sont au coeur de toutes nos représentations du féminin, de la plus patriarcat-like à la plus libératrice.
En six grands chapitres étayés par les formidables et très touchants témoignages d’une quarantaine de femmes, elle interroge le vol, l’objectification et aussi la douce réappropriation de cette partie du corps qui n’est jamais anodine. Il y a l’apparition des seins qui force toute femme à entrer dans le domaine d’une sexualisation publique, mais aussi dans le monde merveilleux des complexes. Parce qu’ils seront toujours trop petits et qu’ils vous excluront d’un monde adulte fantasmé, de la séduction, trop gros et alors c’est porte ouverte aux remarques non sollicitées, à la compétition entre femmes, aux agressions et à la honte internalisée dès le plus jeune âge. Les « seins parfaits » n’existent pas, pourtant c’est eux qu’on nous vend et le processus d’acceptation de son propre corps est long, très long et trouve différentes issues.
Camille Froidevaux-Metterie explore aussi tous les choix que les femmes devraient faire librement autour de leur poitrine mais qui restent des sujets de débats, de justifications : porter ou non un soutien-gorge, allaiter son enfant ou pas, modifier en pleine conscience l’aspect de sa poitrine, accepter ou refuser les représentations sexuelles, maternelles projetées sur ses seins, vivre comme on le peut et on comme on le veut un traumatisme, une maladie…
Cet essai est très complet, le plus inclusif possible (LGBT) et surtout étayé par des témoignages de femmes de tous les âges et de tous les horizons qui m’ont beaucoup parlés. Chacune d’elle a accepté de poser seins nus et on retrouve tous ces portraits au fil des pages. Quel bonheur de voir son propre oeil « désensibilisé » au fur et à mesure, et quand je dis « désensibilisé », c’est dans le sens où je travaille sur ma propre vision qui a été biberonnée aux stéréotypes comme beaucoup d’autres. Au tiers de ce livre je ne voyais déjà plus que des corps et des histoires qui étaient tou.te.s incroyablement différent.e.s, mais en me dépouillant totalement de cette foutue échelle de valeurs calquée sur des critères auxquels on avait réfléchi pour moi.
Un merveilleux coup de coeur de la bibliothèque féministe de Rosy, dispo en numérique bien sûr, mais je vous conseille à titre perso d’attendre patiemment la fin du confinement pour vous procurer la très jolie édition papier.
Camille Froidevaux-Metterie, Seins, en quête d’une libération, Anamosa
Je ne sais pas si cet ouvrage m’apportera grand chose car j’ai déjà « étudié » le sujet, j’ai eu toute une réflexion autour de ce sujet, mais j’ai tellement envie de le lire ! En plus, ça apporte toujours quelque chose à la réflexion, même quand on est déjà calée ^^
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Je pense qu’a minima les témoignages pourront sûrement t’apporter un petit plus. 😊
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