Apprendre à se noyer – Jeremy Robert Johnson

Aujourd’hui, nous allons parler d’une petite chose obscure. Quelques cent quarante-sept pages seulement, un titre à contre-courant et des personnages qui n’ont pas de nom, dans un lieu qui n’en porte pas plus… Mais dans quoi Rosy s’est-elle encore embarquée ? Oh mais dans un roman qui se lit en une seule fois, on inspire fort et on bloque.

Quelque part en Amérique du Sud, un homme emmène son fils au coeur de la jungle. Il a sept ans, et c’est à cet âge précis que l’homme a appris à pêcher. Alors c’est son tour. Face aux eaux tumultueuses et à cet enfant si jeune qu’il aime tant, son premier instinct est de le prendre dans ses bras, de rebrousser chemin peut-être, mais non, c’est le rite de passage. Torturé entre la beauté de ce moment privilégié à deux et les petits cailloux du danger, semés ici et là, entre la jeunesse et la maturité du garçon qui effaceraient presque son âge, c’est comme si l’homme marchait sur un fil au fond de l’eau. Un fil qui se brise lorsque l’enfant disparait. Et alors c’est un voyage de cauchemar qui commence.

Chargé hein ?

Et seulement cent quarante-sept pages, avec de longs blancs marqués dans le texte pour marquer l’hébétude, la douleur et l’horreur. 

Jamais Jeremy Robert Johnson ne nommera ses personnages, fabriquant habilement une fable macabre qui rejoue le vieil homme et la mer, un conte universel enveloppé de magie noire sur la douleur d’animal blessé d’un père face à la perte de son enfant. Mais petit tour de force, ces noms, vous pourrez aisément les inventer dans votre tête, car j’ai rarement vu des personnages dont on sait si peu être incarnés avec autant de puissance. La douleur comme l’amour, qui viennent des tripes, du sang et de la terre…

Je vais pas mentir, la seconde partie du roman fera peut-être l’effet d’un mauvais trip à certain.es lecteur.ices, j’en étais pas loin moi-même, mais l’auteur ne perd jamais de vue son récit troublant sur ce qu’on imagine aisément être l’une des plus grandes douleurs qui soient. 

Une sombre étrangeté comme on les aime ici pour un auteur américain dont c’est le premier roman publié en France en cette rentrée littéraire 2021.

Jeremy Robert Johnson, Apprendre à se noyer, Le Cherche midi

2 réflexions sur “Apprendre à se noyer – Jeremy Robert Johnson

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