La fille de la baignoire

A l’heure où on songe à censurer les scènes de sexe trop explicites au cinéma mais où une bonne partie de la planète se désape sur le petit écran et les réseaux sociaux sans que ça ne dérange personne, Jessica L. Nelson publie un roman, Tandis que je me dénude, sur une jeune auteure qui ose s’exposer au beau milieu du cirque d’une émission de télé.

Angie Rivière vient présenter Bébés de brume, son roman, sur un plateau de télé où chroniqueurs et invités de tous genre défilent à un rythme effréné. Bien loin de goûter l’ambiance à l’arrière-goût de coke et de pauvreté intellectuelle, Angie s’efface, ne parvient pas à défendre le bouquin et s’enfonce dans de cruels souvenirs. Mais peut-être qu’il faut oser se dénuder pour renaître.

Invités, téléspectateurs… Tandis que je me dénude est un roman choral qui nous plonge dans la tête de tous ceux qui sont liés de près ou de loin à l’émission absurde que subit Angie, où l’on parlera de tout sauf de son bouquin. Ce qui m’a touchée, c’est qu’on sent presque immédiatement qu’on entre dans un roman très intime et très personnel.

Jessica Nelson a réinventé un Grand Journal sous LSD qui engloutit littéralement la pauvre Angie. Miss  météo insipides qui rêvent de Cannes, chroniqueurs interchangeables, vieux politiques venus redorer leur réputation, stars de la télé-ralité et vide intersidéral des débats… Le moins que l’on puisse dire c’est que la critique n’est pas tendre. A travers la caricature (même si on doute qu’elle ait eu besoin de beaucoup forcer le trait), l’auteure appuie là où ça fait mal et ça fonctionne plutôt bien.

Au beau milieu de cette jungle, il y a une petite blonde qui aimerait parler de son Bébés de brume mais personne ne l’entend. On préfère l’appeler « l’auteuse » et oublier son prénom pour faire marrer la ménagère de moins de cinquante ans, sans se douter quel courage ou quelle inconscience la jeune femme a dû invoquer pour se trouver là, forte d’un passé douloureux.

J’ai apprécié la structure du roman, cette accumulation d’hommes et de femmes qui gravitent autour d’un même point, mais certaines digressions nous éloignent parfois du propos et j’avoue avoir décroché à certains moments, d’autant que le style un peu haché ne m’a pas totalement séduit. Je retiendrai néanmoins la critique qui vise juste et surtout cette jolie mise en abîme de la page 165, qui révèle toute la sensibilité de ce roman.

« Peut-être que j’écrirai un livre pas trop nul sur cette dépossession de soi, sur nos fragilités et leurs mises en danger permanentes, sur l’envie d’ôter le maquillage et le costume pour libérer ce que l’on est, avec les bons et mauvais côtés, les erreurs et les faiblesses. Peut-être que j’oserai écrire que celui qui se présente nu a le droit au bonheur. »

Chronique disponible sur le site Decitre !

Jessica L. Nelson, Tandis que je me dénude, Belfond. 

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