Le Choix

*voix d’animateur de colo* Là on va se poser deux minutes les cocos et on va parler d’un bouquin qui m’a sérieusement perturbé le ciboulot. En pleine crise de manque de SF, j’ai zieuté ma pochothèque et en ai sorti un roman que j’avais déjà acheté il y a un bail, Le Testament de Jessie Lamb de Jane Rogers. Au programme, de l’anticipation, du virus tueur, bref… JUSQUE LÀ TOUT VA BIEN.

Quelqu’un a attaché les chevilles de Jessie, seize ans, avec un antivol de vélo et l’a enfermée à double-tour dans une pièce avec le strict minimum. Cette personne mystère ne souhaite qu’une chose, que Jessie réfléchisse au projet qu’elle a formé voilà déjà plusieurs mois et si possible, qu’elle y renonce… Puisqu’elle n’a plus que ça à faire, la jeune fille s’empare du stylo et du papier qu’il lui a laissée et elle décide d’y consigner un à un les événements qui l’ont menée là. Comment le monde est parti en vrille après la libération par un groupe terroriste d’un virus tueur de femmes enceintes… Comment l’humanité a compris qu’elle était condamnée, tôt ou tard… Comment les scientifiques ont tenté de trouver des solutions tandis que des mouvements radicaux de toutes sortes montaient en puissance… Comment Jessie a fait un choix.

Voilà on est tout de même dans du pitch très très canon. J’ignore quel est le public-cible de ce roman à l’origine mais j’ai vite trouvé qu’il alliait plusieurs qualités de la SF young-adult et adulte : une idée très efficace, une héroïne adolescente et un style fluide et simple qui ne casse pas non plus trois pattes à un canard d’un côté et des réflexions idéologiques et éthiques assez poussées de l’autre. J’ai vite compris dès les premiers chapitres que Jane Rogers n’allait pas miser sur la mega action explosive, bien au contraire, mais cette ambiance intimiste et désillusionnée m’a tout de suite branchée.

Jessie est une ado de la génération post-virus à qui on a posé d’autorité un implant contraceptif, véritable question de vie ou de mort dans un monde où tomber enceinte condamne d’office la mère et le foetus. Si la société parvient encore à garder l’illusion de la stabilité, les décès massifs des femmes, les vagues de suicides et la montée de la violence laissent déjà présager cette fin programmée.

Dans ce roman, à travers le singulier parcours d’une jeune fille qui veut à tout prix faire la diff dans un monde bien fucked up, l’autrice interroge l’héritage des générations passées aux générations futures, la juste et saine colère et ses modes d’expression ainsi que les différentes formes de militantisme et c’est tout aussi passionnant que le suspense qui réside autour des chances de succès des scientifiques face au virus. JUSQUE LA TOUT VA BIEN, VRAIMENT.

Venons-en à ce qui m’a laissée quand même bien…

C’est l’issue de ce roman (que je ne vais évidemment pas dévoiler ici) ! Pendant un bon moment, j’étais persuadée d’avoir saisi le propos de l’autrice sur les processus de radicalisation positifs (la prise de conscience par le militantisme par exemple) et plus troubles pour une génération à qui on ne laisse plus aucun espoir. Mais peu à peu, j’ai trouvé les personnages militants (féministes ou antispécistes) presque invalidés quand, d’un autre côté, ce fameux choix dont il est question semble être la voie de la sagesse… Et si ça ne m’a pas paru totalement déconnant, je me suis posée pleins de questions. Est-ce que je suis passée à côté du truc (après lectures de certaines chroniques où tout semble couler de source, je me demande !) ou est-ce que j’ai bien compris et je suis donc foncièrement en désaccord avec cette morale ? C’est pas si clair… 

Ca n’a pas entamé le plaisir que j’ai eu à lire ce roman, mais c’est comme si j’étais presque déçue de ne pas avoir été sur la même longueur d’onde que l’autrice jusqu’à la fin… Peut-être que ce roman pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses ? Je serai curieuse d’avoir vos retours…

Jane Rogers, Le Testament de Jessie Lamb, Folio

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