Sad

Après une matinée un brin stressante de type « J’apprends qu’en fait mon examen a été avancé de deux heures et je dois m’asphyxier avec mon propre déo dans la salle de bain dans la précipitation avant de me jeter dans le métro et d’oublier de respirer », il est temps de se poser et de papoter lecture. J’ai eu la chance de gagner Lait de Tigre de Stefanie de Velasco récemment sur Twitter et je l’ai dévoré en moins de deux jours, ce qui vous donne un léger indice sur mon degré de plaisir de lecture.

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Nini et Jameelah ont quatorze ans, sont meilleures amies, vont au collège et accrochent des souris Diddl sur leur sac de cours. Mais elles ont aussi l’habitude de boire du lait de tigre, un étrange mélange à base d’alcool, de jus de fruit et de lait, dans les toilettes, avant d’aller se prostituer sur une avenue glauque de Berlin. Peu importe la crainte d’être expulsée du pays ou de se faire choper en plein vol dans les boutiques de bijoux bon marché, pourvu qu’elles soient ensemble. Mais leur amitié résistera t-elle au meurtre dont elles sont témoins, une nuit, dans le quartier qui les a vues grandir ?

C’est vrai qu’en voyant ce genre de couverture, on se dit qu’on va lire une histoire de fille plutôt mignonne. Une histoire de fille, certes, mignonne, c’est à voir. Mais finalement elle est plutôt bien choisie cette couverture, parce qu’elle résume totalement l’ambiance du bouquin. On a ces deux gosses, Nini et Jameelah, l’une allemande, l’autre réfugiée d’Irak en passe de le devenir, qui oscillent toujours entre deux âges, entre les préoccupations d’enfant et d’adulte, entre les paillettes et le béton. J’ai trouvé ce duo extrêmement touchant, en particulier parce que Nini est la narratrice et que l’écriture s’adapte admirablement bien à sa perception des choses, à sa nature de douce suiveuse et d’amie loyale, à son admiration pour Jameelah qui sait toujours quoi dire, qui semble savoir tellement de choses.

A travers ces deux gamines, c’est une autre facette de Berlin qu’on nous montre, avec ses banlieues, ses tours où il n’y a rien d’autre à faire que de trainer près de la station de métro ou sur le terrain vague, pour boire, fumer, ou monter dans les voitures des inconnus. Pourtant l’auteure ne sombre jamais ni dans la vulgarité, ni dans le larmoyant et arrive d’autant mieux à porter son propos. Parce qu’elles restent des gamines, Nini et Jameelah rêvent avant tout de coucher pour la première fois avec les copains qu’elles côtoient au collège, d’assortir leur vêtements et de garder leur Barbie à la cave. Le récit joue constamment sur ce décalage, et on éprouve beaucoup de sentiments contradictoires à la lecture, à l’image des personnages.

L’intrigue prend un un nouveau tournant lorsqu’un meurtre est commis sous leurs yeux, un événement qui va les forcer à prendre des décisions, quitte à voir leur petit monde voler en éclat.

J’ai vraiment aimé cet atypique Lait de Tigre et je compte bien suivre l’auteure de près après un premier roman pareil.

 

Stefanie de Velasco, Lait de Tigre, Belfond. 

10 réflexions sur “Sad

  1. Jamais entendu parler de ce titre, mais du coup j’ai vu Diddl dans ton résumé et j’ai été intriguée. Je n’ai jamais rien lu de spécial sur le Berlin de nos jours, du coup je suis assez intriguée surtout après avoir lu ton billet. C’est noté chez moi.

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