The sound of silence

Après Les Monades urbaines, et toujours à cause de Morwenna (qui je vous le rappelle est la cause principale de mon appauvrissement actuel, heureusement largement compensé par l’enrichissement livresque), j’ai décidé d’enchainer sur l’ami Silverberg sans attendre avec l’un de ses chefs-d’oeuvres si ce n’est the one true love hein, L’Oreille interne. Et bon, si en définitive je demeure Team Monades, j’ai encore dévoré celui-ci.

David Selig est un quadragénaire new-yorkais, juif, mais pas seulement. Depuis sa naissance, c’est un être extraordinaire, capable de lire dans les pensées de ses condisciples et même de s’immiscer dans ce qu’ils recèlent de plus intime. Etrangement, cette singularité n’a pas fait de lui l’homme le plus désirable, le plus aimé, le plus riche ou le plus talentueux de la planète et à quarante ans, David se borne à produire des devoirs de littérature pour des étudiants et à emprunter de l’argent à sa soeur pour vivre. Ce pouvoir de télépathie, il l’a toujours haï et désigné responsable de la liste cuisante de ses échecs. Mais lorsque tout à coup, ce dernier commence à le quitter, David craint que sa solitude ne devienne insupportable et il est bien décidé à tout faire pour le garder.

Ultra difficile à mettre dans une case, on voit un peu partout L’Oreille interne classé en SF. Bon, moi, je trouve que ça relève plutôt du fantastique mais ce qui est certain c’est que la part de surnaturel dans ce roman se limite au don de télépathie de David et l’auteur fait plutôt la part belle à l’introspection psychologique de son personnage, même si bien sûr, l’ensemble de son existence est conditionnée par ce pouvoir qu’il considère comme un étranger, un parasite qui aurait pris ses quartiers à l’intérieur de sa tête. Il est intéressant d’ailleurs, de voir un allusion à cette « division » à travers l’alternance de passages à la première et troisième personnes.

Né télépathe, David est un enfant étrange qui a du mal à s’intégrer, qui inquiète un peu son entourage et qui se fait rapidement détester de sa jeune soeur adoptive. En grandissant avec ce qu’il considère comme une petite malédiction, ça ne va pas s’arranger et à quarante piges, David s’approche plus ou moins du raté. Difficile de vivre une histoire d’amour épanouie, d’avoir une vie sociale satisfaisante quand on a un secret pareil et qu’on connait l’éprouvante vérité, cachée à dessein d’habitude, dans la tête des autres. Mais en même temps, David s’y est fait à ce fardeau, alors quand il commence à sentir son superpouvoir vaciller, il flippe et a comme qui dirait le besoin de se confier sur son passé et son présent pas brillants, en vrac.

Au-delà de l’aspect fantastique, qui, je le disais plus haut, est finalement assez mineur, L’Oreille interne, c’est l’histoire d’un type qui sous ses airs d’indépendance a peur de se retrouver vraiment seul à mesure que le poids des années se fait sentir. Et en cela, le don de télépathie est une image magnifique. Il n’y a qu’à voir le très beau passage où David évoque l’adolescence et l’intensité de ses capacités et ses sensations à cette époque. Parait que c’est gentiment autobiographique toussatoussa, mais ce genre de choses, ça me passe un peu au-dessus.

Définitivement fan de la plume de Silverberg, j’avais l’impression de me retrouver dans la tête d’un bonhomme un peu ronchon et bizarre comme Woody Allen sait les inventer. Et puis l’ambiance psychédélique et les nombreuses références littéraires à travers le petit boulot à la sauvette (#THUGLIFE) n’ont pas été pour me déplaire non plus. Quelques longueurs menues m’auront empêchées d’être séduite à 100% mais je vous recommande quand même chaudement cette lecture… Parce qu’on ne laisse pas David dans un coin.

 

Robert Silverberg, L’Oreille interne, Folio SF

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