L’année des trente

J’ai compris que j’approchais doucement mais surement de la trentaine quand je me suis offusquée le mois dernier en tombant sur une nana de quinze ans à peine, se baladant oklm avec un collier RAS DE COU, ce qu’on appelait communément « TATOO » dans les nineties et qu’on avait fini par bruler, enterrer au fond du jardin en hurlant « NEVER AGAIN ». Subir pour la première fois de ta vie un retour de mode vintage, (ce qui fait donc de toi un être vintage hein) ça fait un peu mal, mais on peut le surmonter, surtout si on est bien équipé. Et j’serais vous, j’commencerais par glisser le nouveau bouquin de Nora Hamzawi dans mon kit de survie.

Obsessionnelle, parano et hypocondriaque, Nora Hamzawi partage ses petites angoisses ordinaires avec humour et autodérision. À mi-chemin entre séances chez le psy et journal intime, elle décortique des scènes de nos vies pour mieux y trouver sa place. Comment fait-on pour avoir l’air à l’aise en soirée ? Qui sont ces gens qui fréquentent les stations de skis ? Y a-t-il un âge pour arrêter de regarder La Boum ? Pourquoi est-ce qu’on est obligé de se tutoyer dans les magasins bios ? Son regard sur le monde, sa perception des situations et son désarroi, amusé et sensible, révèlent l’absurdité et la folie du quotidien. (Résumé 4e de couv’)

Ce livre m’a attirée tel le moustique des marais par temps d’apéro en extérieur dès sa sortie et faible que je suis, j’ai très, très vite cédé je l’avoue. Parce que Nora Hamzawi (si vous ne la remettez pas, Wikipedia lui, si) me fait beaucoup rire, qu’elle écrit bien et que j’avais très envie de lire un bouquin avec sa voix dans ma tête.

Sous forme de petites chroniques/journal/confession sur le divan, Nora parle d’abord d’elle-même et de sa vision du monde qui l’entoure à l’image de son travail à la télé, à la radio et sur papier. Sur un ton toujours un peu chafouin, elle parle de ce qui l’angoisse, de ce qui l’énerve, de ce qu’elle aimerait et de ce qu’elle récolte, en vrai, de ce que c’est d’être une meuf normale et anormale à la fois. Ce que j’ai aimé, c’est qu’on sent bien qu’elle ne prétend pas deux secondes tenir un langage universel, au contraire, elle nous invite simplement à écouter ses élucubrations personnelles. Et c’est précisément là où la plupart de ses observations trouvent leur résonance. Entre deux éclats de rire disgracieux, j’ai passé mon temps à hocher vivement la tête. « Mais grave, les gens qui tutoient direct, c’est inadmissible ! » ou « Moi aussi je n’ai qu’une expression validée par la Haute Autorité de la Non Photogénie. » et autres « Je sens les métastases qui se multiplient en live, le nez scotché sur Doctissimo. », « Je veux cet appartement au loyer exorbitant tout de suite maintenant et tant pis si les chiottes sont sur le palier. »

L’ayant acheté les yeux fermés, j’avais peur de ne tomber que sur un condensé de ses chroniques, jetées comme ça à la va-comme-je-te-pousse-mémé-dans-les-orties, mais pas du tout. Les textes s’enchainent à merveille et ont été pensés comme un tout. Et cela m’a aussi permis de découvrir le chouette travail d’illustration d’Anna Wanda Gogusey. (Spoiler alert : elle dessine les gens sans les yeux et c’est même pas bizarre.)

Je serais tentée de le conseiller à tout le monde, mais franchement, si vous n’avez pas grandi à la fin des 90’/début 00′, vous risquez quand même de passer à côté d’un tas de références jouissives. Les Vans. Le Nokia 3310. LES RAS DE COU TATOO. (Qu’elle fasse pas trop la maligne quand même parce que moi je suis une dingue, je ressors mon modèle ARC-EN-CIEL, on verra bien qui est l’Influencer. Ouais je rage toujours sur l’inconnue d’il y a un mois.) On sent que Nora Hamzawi ne renie pas son petit côté nostalgique et ça fait un bien fou de réécouter Crush de Jennifer Paige.

Près de deux cent pages vraiment drôles et bien vues qui nous rappellent qu’on n’a pas attendu la crise ou l’élection de Donald Trump pour avoir des raisons de grogner toute la journée.

Bonus, l’un de mes passages préférés, avec lequel je suis d’accord à mille pourcent :

« – Mais c’est impossible qu’il y ait une vie ailleurs ! On le saurait ! » On le saurait ! On le saurait !… Mais alors ça ! S’il y a bien un argument qui me rend ouf, c’est le fameux on le saurait ! C’est d’une arrogance ! Depuis quand l’être humain sait-il quoi que ce soit ?! Et puis ça ne veut rien dire : « Regarde-toi, par exemple, t’es complètement conne, tu le sais pas et pourtant t’es conne quand même, bim, fin de la conversation. »

 

Nora Hamzawi, 30 ans (10 ans de thérapie), Mazarine

10 réflexions sur “L’année des trente

  1. Mon dieu, ce genre de colliers existe encore ?
    Je suis de 1996 et ma mère me les interdisait quand c’était à peu près la mode car elle pensait que j’allais m’étouffer ou je ne sais quoi.
    Au-delà de ça, le livre ça fait un peu piège à bobos, mais comme j’en suis une de première classe, je pense que je pourrais carrément aimer.

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    • Mais oui, je te jure, je sais, c’est à peine croyable.
      Ahah et j’avoue, j’ai aussi tendance à me méfier des bouquins que sortent les chroniqueurs/youtubeurs etc. mais j’ai un faible pour l’humour de Nora Hamzawi depuis toujours et pour le coup, je le trouve très bien fait.

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