La Loi de la mer

Sur le blog, la rentrée ne sera que littéraire, rassurez-vous… La Loi de la mer de Davide Enia ne fait pas officiellement partie de la sélection #RL2018 des éditions Albin Michel, mais c’est tout comme pour moi, et j’aimerais qu’il ne passe pas inaperçu surtout. Un grand grand merci à Babelio ainsi qu’à l’éditeur pour cette découverte.

Pendant trois ans, Davide Enia a été témoin des débarquements quotidiens de migrants à Lampedusa. Il a rencontré les locaux, les sauveteurs, les plongeurs et bien sûr ces femmes, ces hommes et ces enfants à qui tout est arraché, jusqu’à la vie souvent. En parallèle de ces drames, dont il est spectateur auprès d’un père si taiseux, il y a la maladie, autre tragédie, qui guette sa famille.

Si je peine à envisager ce récit comme un roman, il n’empêche que vous n’y trouverez aucune analyse de la politique migratoire européenne, aucune justification quelconque aux voyages bien souvent mortels qui sont entrepris… Si vous cherchez un ouvrage sur la question, il faudra passer votre tour pour celui-ci, en revanche, si vous voulez vous affranchir des chiffres et des quotas pour vous confronter à l’urgence brute, alors vous avez choisi le bon bouquin.

Parce qu’il n’est question que de cela. Davide Enia nous parle d’une ile qui est devenu un symbole, un sujet brulant d’actualité… mais ça, c’est la perception extérieure. Le quotidien est tout autre, seulement régi par « la loi de la mer ». Face à des êtres humains qui se noient et qu’il faut sauver, toutes les barrières tombent, à commencer justement, par la politique. Les arrivées des canots, tous les jours, les sauvetages qui exigent qu’on « choisisse » entre deux groupes si on ne veut pas voir tout le monde mourir, les cadavres qui changent la mer à jamais… Mais aussi les chants et la gratitude de ceux qui parviennent à toucher terre, l’entraide qui balaie toutes les petites peurs de l’autre… Il n’y a aucun misérabilisme dans ce récit, bien au contraire, sa pudeur (aussi incarnée par la relation silencieuse père-fils) ne fait que renforcer tous ces témoignages. En allant au plus près de ce qui se passe réellement à Lampedusa, Davide Enia semble restituer la vérité de cette île. Une île avec son histoire, avec ses habitants, loin des fantasmes qui ravivent la peur et minimisent la souffrance. Cette vérité, on la retrouve dans le style très direct du témoignage, à peine entamé par de rares poncifs dès que l’auteur se risque à la métaphore.

Davide Enia évoque aussi la maladie d’un oncle à qui cet ouvrage semble dédié. Si les incursions intimes dans ce genre de récit sont parfois maladroites, ici, le parallèle entre le crabe qui guette et la mort derrière la vague est on-ne-peut-plus saisissant…

A lire le coeur bien accroché, et grand ouvert surtout.

Davide Enia, La Loi de la mer, Albin Michel

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