Nan King

Nous sommes en juin, c’est le pride month, ça ne vous aura pas échappé, et personnellement je me gave de saphic content. J’ai notamment lu une très jolie BD « Mes ruptures avec Laura Dean » dont il faudra absolument que je vous parle d’une façon ou d’une autre avant la fin du mois mais la petite beautey queer dont il est question aujourd’hui, c’est Caresser le velours de Sarah Waters. T’AIMES LONDRES À L’EPOQUE VICTORIENNE ? T’AIMES LES HEROÏNES FORTES ? T’AIMES LE DRAMA ET LE LOVE CONTRARIÉ ? ALORS OUVRE TES ECOUTILLES ET PROMIS J’ARRÊTE DE HURLER DE FAÇON TYPOGRAPHIQUE POUR ZÉRO RAISON.

Le XIXe siècle souffle déjà ses dernières bougies au moment où l’on fait la connaissance de Nancy, petite écailleuse d’huitres dans un restaurant populaire et familial à Whistable, sur la côte du Kent. Baignées dans les effluves marines depuis la plus tendre enfance, les mains de la jeune fille manipulent les coquillages toute la sainte journée alors que ses songes l’emportent ailleurs. Dès qu’elle a du temps libre, Nancy se rend au music-hall de la ville voisine admirer les vedettes dans leurs habits pailletés chanter des chansons aux refrains entêtants. Un soir, c’est une dénommée Kitty Butler qui monte sur scène et Nancy ignore si c’est son incroyable beauté, son costume de dandy, ses mimiques séductrices ou tout à la fois mais elle tombe instantanément amoureuse de la chanteuse. Dès lors, elle ne manquera plus aucune de ses représentations, tant et si bien qu’elle attire l’oeil de l’objet de sa passion silencieuse. Kitty va bientôt gagner Londres pour se faire un nom, et elle emmène Nancy, sa « Nan », avec elle comme habilleuse. Follement éprise, mais condamnée au secret, Nancy n’a aucune idée du chemin que le sombre et bouillonnant West End londonien va lui faire prendre.

Comme toutes les fresques historiques monumentales, difficile de résumer sans avoir l’impression de raconter 0,1% seulement de l’intrigue mais dites-vous que si ce pitch vous plait, l’essentiel est devant vous. Sarah Waters, que je suis ravie de découvrir enfin, nous offre avec cette histoire un roman d’apprentissage résolument queer et original. En effet, si Nancy a tout, au début, de la jeune héroïne naïve, impressionnable et pure qui rencontre le personnage plein d’assurance et de sexyness que représente Kitty Butler, on va vite se rendre compte que l’autrice utilise le système de valeurs traditionnellement mis en place dans ce genre de littérature pour mieux l’inverser à sa guise.

L’histoire d’amour fondatrice ne prend pas forcément le tour qu’on imagine et la quête amoureuse se meut peu à peu en autre chose, au détour des venelles sombres, des cabarets du West End où l’on se bagarre autant qu’on picole en reprenant les refrains de deux demoiselles grimées en gentlemen dévoyés. Celle qu’on reconnait à présent sur les affiches comme la célèbre Nan King (hommage au drag ?) ne va pas seulement découvrir qui elle aime, mais qui elle est en laissant Londres se charger de son destin.

Les corps se réchauffent dans le secret mais les coeurs s’y brisent aussi et Sarah Waters manie la langue des sous-entendus comme le langage cru de la passion avec un talent incroyable. Bien sûr, je parle pour ma part de la très belle traduction d’Erika Abrams. C’est en se prenant des murs, en laissant la tragédie de ses passions guider ses pas que Nancy explore sa sexualité et son identité de genre, dans un numéro d’équilibriste entre soumission et émancipation particulièrement subtil et sensuel.

Je suis passée à ça du coup de coeur s’il n’y avait eu ces quelques petites longueurs, mais Caresser le velours est un indispensable de la bibliothèque F/F et un portrait de Londres à l’épEditionoque victorienne saisissant (passion ville-personnage les garslesmeufs). Il me taaaaaaarde de bouffer toute la biblio de l’autrice après un bijou pareil.

 

Sarah Waters, Caresser le velours, 10-18

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