Nord et Sud

S’il y a bien une auteure qui m’a donnée envie de participer à l’aventure des Lectrices Charleston, c’est bien Kathleen Grissom. Et pourtant, je n’avais jamais rien lu d’elle. « GNÉ » me direz-vous fort à propos même si vous manquez cruellement de vocabulaire. Le truc, c’est qu’à la médiathèque où je bossais, son premier roman, La Colline aux esclaves, faisait un véritable carton avec retour « paillettes dans les yeux » et « mettez des coeurs dessus ». Après ça, je me suis dit que je ne pouvais pas passer à côté, et quand j’ai découvert que cette année, nous allions lire ce qui constitue à la fois une suite de ce roman et une histoire indépendante, bah… J’étais aux anges.

1810. L’existence de James Pyke bascule lorsqu’il apprend qu’il est en réalité le fruit de l’union d’une esclave et de celui qu’il prenait jusque là pour son frère, propriétaire de la plantation au sein de laquelle il a grandi, sous la protection de sa grand-mère. Il fuit la plantation à l’âge de treize ans, et vingt ans plus tard, c’est en homme blanc bien établi à Philadelphie qu’il coule des jours heureux. Mais lorsque Caroline, une femme mariée dont il est éperdument amoureux, tombe enceinte, le père de la belle exige qu’il quitte la ville. Au même moment, Pan, un jeu garçon noir qu’il a recueilli est enlevé sur le port à destination de la Caroline où il sera vendu comme esclave. James tentera t-il tout pour retrouver l’enfant, au Sud, là où en dépit de la pâleur de sa peau, la menace d’être retrouvé plane toujours au-dessus de sa tête ?

Le récit nous plonge en 1830 aux côtés de James, un homme qui a joliment réussi à Philadelphie, en Pennsylvanie, là où on ne pratique plus l’esclavage. James a beau avoir la peau blanche, on comprend rapidement que son passé est autrement plus complexe. Considéré comme un fugitif dans sa Virginie natale, enfant métisse, James s’est astreint toutes ces années à cacher ses origines. Mais l’exil forcé par la grossesse de Caroline et l’enlèvement du jeune Pan pour qui James s’est pris d’affection vont le forcer à renouer avec ce passé enfoui et douloureux.

Alternant les points de vue de James et de Pan, mais aussi les époques, en n’hésitant pas à adopter le modèle de l’intrigue à tiroirs, c’est un roman foisonnant et rythmé que nous propose Kathleen Grissom sur l’une des périodes les plus sombres de l’histoire des Etats-Unis. L’auteure nous immerge totalement dans cette époque où le pays oppose Nord et Sud, zones libre et esclavagiste. Si l’auteure n’hésite pas à restituer toute la cruauté de l’asservissement des hommes, des femmes et des enfants noirs, elle met aussi en lumière toute l’hypocrisie d’une société qui sous couverts anti-esclavagistes profite des retombées économiques des plantations et conserve une répugnance pour une « race » qu’elle juge différente des blancs. Au Nord comme au Sud, la peur d’être retrouvé, attrapé est constante et hante toujours les personnages.

Les personnages m’ont beaucoup plu, qu’il s’agisse du jeune et adorable Pan qui fourmille de questions et d’idées et qui va cruellement prendre conscience de la cruauté du monde ou bien de l’ambigu James Pyke, à la fois bienveillant mais aussi tenaillé par la peur et le besoin de s’affranchir de ses origines pour être considéré comme une blanc. Il n’y a pas de véritable héros au sens noble du terme au sein de cette histoire, rien que des être humains avec leur part d’ombre et j’ai trouvé cela particulièrement intelligent.

Passionnant, rythmé et porté par un style très fluide, ce roman évoque l’esclavage et l’acceptation de ses origines dans la société américaine du début du XIXe siècle avec beaucoup de justesse. Maintenant, il me tarde juste de faire les choses à l’envers et de me plonger dans le premier roman de Kathleen Grissom !

 

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Challenge des Irréguliers de Baker Street + 1 : Les Six Napoléons.

 

Kathleen Grissom, Les larmes de la liberté, Charleston

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