Tae time

Allez, je vais déroger quelques minutes à mon dimanche « read & chill » pour partager avec vous une nouvelle découverte de lectrice Charleston, et pas des moindres, puisque Cueilleuse de thé de Jeanne-Marie Sauvage-Avit a décroché le Prix du Livre Romantique organisé par les éditions Charleston et Pocket. Et vous savez quoi ? Bah c’est largement mérité.

Cueilleuse de thé dans une plantation au Sri-Lanka placée sous la supervision d’un contremaitre pervers et cruel, Shemlaheila n’a qu’un rêve, celui de s’enfuir. Elle veut à tout prix gagner la Grande-Bretagne pour y apprendre le métier de vendeuse. Ainsi, un jour, elle pourra revenir et vendre le thé comme ces filles qui sont mieux traitées qu’elle. En Angleterre, la jeune cueilleuse de thé va découvrir, comme une infinité d’immigrés avant elle, que les espoirs s’accompagnent souvent de désillusion.

Cueilleuse de thé est le grand lauréat du Prix du livre romantique, au sein duquel, souvenez-vous, L’année du flamant rose était aussi en lice. Le moins que l’on puisse dire cette année, c’est que l’originalité aura été mise à l’honneur, puisque l’un et l’autre, chacun à leur façon auront intégré la romance en prenant le contrepied des clichés du genre. Et si je n’ai pas été convaincue à 100% par le roman d’Anne de Kinkelin, ici, je valide totalement !

On entre brutalement dans le coeur du récit à travers le regard de Datu Guemi, le responsable de l’exploitation où travaille notre héroïne. Méprisant et violent à l’égard d’une épouse qu’il juge laide, incapable et indigne de lui, l’homme est toujours accaparé par le besoin bestial d’abuser des jeunes filles sous sa responsabilité. Suite au décès de sa mère et lasse des conditions de vie inhumaines qui leur sont infligées à toutes, Sheimlaheila n’a qu’une obsession sans cesse ravivée par les cars de touristes venus les photographier et leur offrir des cadeaux, partir. Tout quitter pour l’Angleterre, y apprendre le métier de vendeuse, qui représente son plus grand espoir, et revenir au pays avec un statut plus élevé.

Cueilleuse de thé est probablement le roman le plus dur qui m’ait été donné de lire jusqu’ici dans le cadre de l’aventure des Lectrices Charleston. A la fois dans l’évocation de la condition des femmes au Sri Lanka et en Inde, de leur exploitation et des abus sexuels infligés par les hommes, des droits qu’ils s’octroient sur elles, mais aussi dans l’écriture de l’auteure. J’ai particulièrement aimé sa plume, qui évolue selon ses personnages et qui se fait volontairement brutale et sans équivoque dès lors qu’il s’agit de mettre à jour la violence dont les femmes sont victimes. Une violence qui peut prendre bien des aspects…

Si au Royaume-Uni, Shemla découvre un mode de vie qui peut sembler idyllique au regard de la vie qu’elle a laissée au Sri Lanka, elle va également se rendre compte peu à peu que les injustices ne sont pas toutes restées au pays. J’ai particulièrement aimé la façon dont l’auteure a évoqué cet aspect, cette violence insidieuse sous couvert de bienveillance à l’égard des immigrés sans ressources et parfois aveuglés par leurs espoirs.

Cueilleuse de thé est donc avant tout une histoire de femme et d’émancipation, un très joli roman qui pose la question de la réalité derrière la carte postale. Je conseille mille fois !

 

Jeanne-Marie Sauvage-Avit, Cueilleuse de thé, Charleston

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