Le jour de la mort d’Elvis

Après Avant tout se poser les bonnes questions, poursuivons notre exploration des premiers romans de la rentrée littéraire catégorie « ça fait du bien », sous-catégorie « lunaire », sous-sous-catégorie « petit vent de fraîcheur » vous voulez bien ? Récemment, j’ai découvert Mon gamin de Pascal Voisine, réalisateur dinardais (BZH un jour…) qui s’essaye pour la première fois à l’écriture. Un grand merci aux éditions Calmann-Levy pour cette découverte !

Marc Alder, chanteur à succès, fait un retour discret au village qui l’a vu naître pour les obsèques de sa belle-mère. A Champs-Choisy, il était encore Thierry Poivet, cet adolescent de quatorze ans passionné de musique, émerveillé par les premiers émois amoureux… Son quotidien, il le partageait avec Francis, son ami de près de vingt ans son aîné, atteint d’un handicap mental, qui le surnommait affectueusement « Mon gamin » et le considérait comme tel. Aussi, tous ses souvenirs de l’été 1977 reviennent à Marc, enfin à Thierry, quand il repose enfin le pied à Champs-Choisy. Et le meilleur, comme le pire, vont refaire surface…

Imaginez : l’été 77, une petite bourgade de campagne franchement paumée, un hôpital psychiatrique et ses patients pour voisinage excentrique, et au beau milieu, Thierry, quatorze ans, des rêves de musique plein la tête et les hormones en ébullition. Tous ses espoirs devraient le mener hors de Champs-Choisy, mais pourtant, l’adolescent s’y sent bien. Contrairement à la plupart de ses concitoyens, il ne voit aucun inconvénient à partager son espace et son air avec « Mains-de-Marteau » et autres fous. D’ailleurs, son meilleur ami vit dans l’hôpital psychiatrique dirigé par son père. Pour Francis, qui l’a vu naitre, qui aimait aussi tendrement la mère du petit, c’est une fierté de pouvoir arpenter les rues du village auprès de Thierry, qu’il protégerait envers et contre tout.

Pascal Voisine pose un cadre unique dans ce roman qu’il a imaginé après huit années passées auprès de patients. Avec beaucoup d’humour, de tendresse et comme un regard d’enfant, il nous décrit une amitié hors-norme, dans un village hors-norme, et on s’attache aussitôt à tout cela. Dans le style de l’auteur, tout est fait pour t’envelopper dans cet univers et ne plus te lâcher. Mais on soupçonne aussi, dès les premières pages, qu’une vérité lourde de conséquences a été tue toutes ces années. Ce fameux été 77, quelque chose a irrémédiablement basculé dans l’existence de Thierry, et peu à peu, le mystère va se dissiper. Le récit bascule alors dans un genre de thriller inclassable, teinté d’absurde et de tragédie. Ce revirement de l’intrigue, je pense qu’on  adhère ou pas du tout. Personnellement, j’ai trouvé qu’elle correspondait bien à l’esprit général du roman, ce doux microcosme de l’absurdie au dessus duque plane toujours une ombre.

Mon seul regret, dans cette histoire, c’est la place accordée aux personnages féminins. C’est peut-être le prisme de l’adolescent de quatorze ans qui joue ici sur la vision fantasmée qu’on a d’elle, mais les femmes sont quasi toutes hypersexualisées. Cela donne parfois lieu à des évolutions peu crédibles dans le parcours de personnages pourtant très intéressants à la base. Je pense par exemple à la belle-mère de Thierry.

Mais voilà, Mon gamin m’a fait passer un excellent moment. C’est un roman tendre, doux et tragique, pas niais pour un sou, qui rend un bel hommage à tous les êtres qui ne rentrent pas dans le moule, en témoigne par exemple l’une de mes citations préférées :

« Là où les non-initiés pointaient du doigt un camp de concentration pour fous, Marc voyait une sorte de principauté où les malades mentaux étaient exonérés d’impôts sur la différence. »

 

Pascal Voisine, Mon gamin, Calmann-Levy

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